16h45, Pier 90. Dans le frileux crépuscule de Novembre, les silhouettes se multiplient doucement à l'avant du Celebrity Eclipse. À coup de chocolats chauds distribués par les barmen en anorak, l'on tente de passer outre le -2 degrés ressenti. Mais grelotte-t-ton de froid, ou d'impatience ? "Croisière de quinze jours ou non, certains de nos passagers ont choisi l'itinéraire exclusivement pour ce moment" nous confie le Directeur de l'Hôtellerie. Alors que sont larguées les dernières amarres, la puissante sirène de l'Eclipse fait vibrer l'assemblée. L'émotion est palpable. Le grand paquebot se met en branle, prudemment, la poupe déjà prise dans le courant du fleuve. Une marche arrière sur autoroute avec un poids lourd de 317 mètres. New York perdra-t-elle un jour son aura ? En terme de trafic, le port est loin des Caraïbes qui font fortune de la Floride. Avec seulement 1.5 millions de passagers en 2016, il se place en seizième position des grands ports de croisière mondiaux, juste derrière... Marseille. Mais pour d'aucun, la Big Apple demeure l'escale la plus mythique de la planète. Là où tout commence. Lorsque l'on débarque a New York, un vertige vous prend. Pas celui, à l'instar du Grand Nord, d'être le premier humain à poser le pied ici, au contraire : celui de suivre le chemin si mythique de millions de voyageurs qui ont parcouru ces mêmes moles pendant le dernier siècle et demi. Globe-trotters, hommes d'affaires et de politique... et bien sûr migrants, aventuriers par millions venus de toute l'Europe. Les docks n'ont presque pas changé depuis l'époque des Queen Mary et Queen Elizabeth, le navire une fois amarré disparaît toujours derrière la foret de verre et d'acier. Aujourd'hui, le trafic croisières de New York se repartit entre deux pôles majeurs - nous excluons volontairement ici les infrastructures du New Jersey, totalement indépendantes. Le principal est établi à Brooklyn, face à Manhattan. C'est ici que vous déposera le Queen Mary 2 si vous optez pour la transatlantique authentique made in Cunard. Le second, mentionne plus haut, est établi dans les docks historiques de Upper Manhattan. Vous ferez escale à deux pas de l'Empire State Building, entre l'USS Intrepide devenu musée maritime national et un hangar à la large inscription CUNARD LINE. Les paquebots à Manhattan se rangent en bataille, dans des bassins à peine suffisamment large et définitivement trop courts - la poupe débordant sur l'Hudson. Des navires de la taille du Norwegian Breakaway y sont accueillis, mais accostage et appareillage sont des manœuvres délicates qui exigent savoir-faire et sang-froid. Cependant pour la vue... Il n'y a pas photo. L'escale au second vous offre en bonus la remontée de l'Hudson et une traversée en bateau de la Big Apple, en sus d'un quai à dix minutes à pied de Times Square. Votre navire s'insère a merveille dans le paysage, devenant un gratte-ciel à part entière, le pont supérieur un roof-top donnant sur l'eau. Retrouvons à présent notre majestueux Celebrity Eclipse en plein appareillage. Le départ a 17 heures est une aubaine, le soleil étant tout juste couché. Manhattan se savoure de nuit, illuminé de toutes ses lumières comme une galaxie façonnée par l'Homme. Même de nuit l'air est électrisé par la vie ambiante, qui n'a que faire de la tombée du jour. On devine de part en part les lumières de Broadway et ses mille silhouettes. La descente de l'Hudson est assez rapide, nous laissons après une demi-heure Down Manhattan sur bâbord. One World Trade Center, désormais plus haute tour de New York, se dessine à travers les sabords de la passerelle. Sur tribord, on passe déjà Ellis Island. Ce lieu qui accueillait jusqu'en 1954 tous ceux de passage à NYC en quête d'une vie nouvelle est aujourd'hui un musée en mémoire de "ceux qui ont fait l'Amérique." Pour le visiteur de routine en paquebot confortable, elle rappelle que le voyage en mer n'est pas pour tous, de nos jours encore, une villégiature paisible. Juste après Ellis Island, voici le giron de Lady Liberty. La célèbre statue prend de nuit un air presque surréaliste, les reflets de la ville créant une couronne au-dessus de sa tête de bronze. La statue de la Liberté est peut-être le meilleur symbole de l'épopée transatlantique, accueillant depuis toujours ceux qui arrivent a New York par la mer. N'oublions pas qu'elle a elle-même fait le voyage depuis la France, en 1885 a bord du steamer Isère. Dernier à nous saluer pour notre départ vers l'Atlantique, le majestueux Verrazano brille lui aussi de mille feux, son fil continu de voitures comme détendu par la nuit. Notre cheminée passe à environ quatre mètres sous le tablier... L'Eclipse fait partie des plus grands navires capables d'accoster à New York. Le port reçoit des paquebots de toutes les catégories : les Français de Ponant y ont fait un passage remarqué avec Le Soléal (134 mètres - 250 passagers) début octobre. Mais quelle que soit sa taille et son âge, toutes les escales à la Big Apple sont une étape phare pour un navire à passagers ; une occasion unique entre paysage étonnant et Histoire maritime.
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