Bien pire qu'escompté... Si la majorité des professionnels de la croisière était de plus en plus dubitative quant à l'avancement de la construction de l'AidaPrima, peu s'attendaient à un si lourd tribu. Aida annonce ce jour que son futur navire sera au mieux livré en septembre 2015, soit avec six mois de retard sur la date prévue initialement. Toute la saison inaugurale du navire est annulée : à commencer par la croisière de Yokohama à Hambourg, qui devait être le premier grand voyage et le premier départ du Japon jamais organisé par la compagnie allemande. Ces déboires auront un impact non-négligeable sur l'image d'Aida au près de sa clientèle : ce ne sont pas moins de quarante-deux départs (plus de 150 000 croisières commercialisées) qui ont dû être annulés. Heureusement, à environ un an des premières dates, les réservations demeurent modestes et il sera possible de proposer aux passagers un voyage équivalent sur un autre navire. Le manque à gagner sera cependant très large, notamment ajouté au coût de la réorganisation de la saison et aux indemnisations pour les passagers. Tout ce budget sera en grande partie facturé en pénalités aux chantiers, qui ont déjà de très grosses difficultés à tenir le budget serré qu'ils s'étaient imposés. Comme le rappelle le communiqué édité par la compagnie, Mitsubishi a déjà enregistré en mars des pertes record (avoisinant les 600 millions de dollars) en raison des difficultés rencontrées dans la construction du paquebot. Beaucoup feront remarquer que ce surcoût outrepasse largement l'économie proposée sur le devis japonais par rapport à une construction européenne. Pour mémoire, la commande de l'AidaPrima a fait couler beaucoup d'encre en Outre-Rhin. Elle a été conclue en 2012 entre la compagnie allemande et les chantiers Mitsubishi : ceux-ci proposaient la construction de deux prototypes d'une série inédite - donc incluant le lourd travail des bureaux d'étude en amont - pour un coût total de 765 millions de dollars par navire. Ce devis avait été montré du doigt par les chantiers européens, qui s'étaient dits d'eux-mêmes incapables de proposer un produit similaire à pareil tarif. La construction de l'AidaPrima est de fait un chantier ambitieux : avec un tonnage de 125 000 tonnes et une capacité de 3 200 passagers, le navire affiche une taille très largement supérieure au reste de la flotte et devait s'affirmer sans mal comme le navire-amiral de la compagnie. Aida est déjà connue et remarquée pour son sens de l'innovation : couleurs vives, travail précis sur la luminosité, salons modernes et conviviaux... La compagnie a su habituer ses passagers à des navires hors du commun. A bord du Prima, étaient surtout remarquables les ponts supérieurs. Ainsi, ce solarium (ci-dessous) complètement repensé et partagé entre des bassins étroits et un ensemble en bois asiatique ; qui constitue un lieu inédit pour le monde de la croisière et sans doute idéal pour la navigation. La commande Aida est intervenue dans un contexte assez nébuleux. L'industrie de la croisière est encore embryonnaire en Asie et peu connue des chantiers : alors que leurs concurrents européens tournent à plein régime et sortent chaque année autour de dix paquebots, les navires de croisières construits en Asie se comptent sur les doigts de la main. Beaucoup à leur livraison furent perçus comme l'inspiration très proche d'une unité européenne plus ancienne : il en fut ainsi notamment pour le Crystal Serenity, dont les emménagements rappellent très largement ceux du Prinsendam. L'accord portant sur les deux navires fit frissonner les chantiers occidentaux ; en première ligne les allemands Meyerweft, qui ont réalisé tous les autres navires de la compagnie (hormis les deux plus anciens). Alors que l'industrie de la croisière subissait la crise et les investissements des compagnies ralentissaient, l'arrivée en force de la concurrence asiatique dans le club encore très fermé de la construction de paquebots fut vue par beaucoup d'un très mauvais œil. Il sera très intéressant de voir la réaction de l'industrie de la croisière, celle-ci ne se fera sans doute pas attendre. Bien qu'Aida n'ait rien évoqué à ce sujet, à l'heure actuelle, c'est même la réalisation de la seconde unité, prévue pour 2016, qui pourrait être remise en cause. Ce ne serait pas une première pour le monde de la croisière : ainsi le sistership du Norwegian Epic à Saint-Nazaire ne vit jamais le jour. A priori, l'AidaPrima quittera le Japon en octobre 2015, pour passer l'hiver à Dubaï et rejoindre Hambourg en mars 2016. Il sera donc de passage au Havre avec environ un an de retard sur le calendrier initial, mais suivra tout de même en 2016 la croisière d'une semaine en Manche et Mer du Nord prévue pour 2015. D'ici là, difficile d'envisager de nouvelles commandes de paquebots en Asie. Les commentaires sont fermés.
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