Tribune
LA MARINE MARCHANDE
OUTIL CONTESTE DE NOTRE VIE CONTESTABLE
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En Mer, Mer Égée, MS Rotterdam Cette fois a débuté le plus gros du voyage. Nous avons embarqué en milieu de journée à bord du Rotterdam, après une matinée passée en ville. C'était mon deuxième passage à Athènes : j’y avais débarqué à l’automne 2010 après une croisière sur l’Arion. Il n’y a pas que sous les tropiques que les saisons n’existent pas : même fin novembre, la cité grecque dégage toujours son même parfum d’été. C’est un cocktail improbable d’Europe du Sud et de mégapole moderne, constitué de petites rues piétonnes, de grandes artères saturées, de maisons anciennes colorées et de grands immeubles grisonnants. Comme partout dans la région, nous sommes interpellés par le nombre d’animaux errant dans la ville. Ceux-ci semblent avoir un statut social particulier, appartenir à personne et à tout le monde : la plupart des passants s’arrêtent pour offrir des restes de nourriture et un peu de lait. De retour au Pirée peu avant 11 heures, nous sommes allés récupérer nos bagages puis avons rejoint le terminal croisières du gigantesque port. En plus du Rotterdam, sont amarrés aujourd’hui les Louis Aura et Norwegian Jewel, à qui il faut ajouter pas moins de dix-huit car-ferries ! Le port ne cesse de vibrer des sirènes signalant départs et arrivées, comme une gigantesque gare sur l’eau. Chaque année transitent ici quelques vingt millions de voyageurs, ce qui équivaut au trafic d’une gare comme Lille. Les photos seront très nombreuses cet après-midi. Mais avant cela, et dès notre arrivée à bord, c’est bien sûr la découverte de notre cabine. L’avantage d’une réservation de dernière minute est bien souvent le surclassement qu’elle offre : cette fois, alors que nous avons payé une cabine intérieure, nous voyagerons en extérieure. Le sabord n’offre qu’une vue très limitée, obstruée en grande partie par un escalier sur la promenade ; elle est cependant suffisante pour baigner notre chambre de la lumière naturelle. La cabine est spacieuse ; la décoration moderne et discrète : l’idéal pour un voyage maritime comme le nôtre. Approche alors l’heure du premier repas à bord. Comme de nombreux croisiéristes, nous choisirons le Lido pour le midi et la Salle de Dîner pour le soir. Le premier offre une flexibilité horaire parfaite pour nos tours improvisés dans les ports d’escale ; la seconde est la parfaite incarnation de la croisière traditionnelle avec son luxe et son raffinement. Un mélange parfait que l’on retrouve sur la plupart des paquebots, en particulier sur le marché haut-de-gamme américain. Le Lido est spacieux et moderne : il offre un choix très large et international. J’ai le plaisir de commencer le repas avec d’excellents sushis et un peu de charcuterie, tout en profitant du panorama sur le port du Pirée. Je poursuivrai avec un détour au buffet italien, pour un avant-goût de la dernière partie du voyage. Le repas n’est arrosé que d’eau plate : contrairement à beaucoup d’autres navires, nous ne trouverons pas ici de limonade ou de sirop de fruits. Les jus ne sont proposés que pour le petit-déjeuner, seul reste un libre-service de thé glacé. Cette déception sera rapidement compensée par une excellente surprise : le buffet comporte une sélection de fromage à la coupe, avec du brie ! Pour moi, c’est une première sur un navire étranger, en particulier destiné à une clientèle américaine. Même en y repensant ce soir, je repasserai très souvent à ce stand… La dégustation se conclura sur une succulente farandole de desserts, variés et plus délicieux les uns que les autres. Pour finir, un tour aux glaces : la sélection disponible reste modeste, il s’agit plus de contenter une clientèle dans la force de l’âge que de faire rêver des enfants… Cependant les parfums testés aujourd’hui sont prometteurs pour les jours à venir. Afin de digérer ce premier gros repas, qui je pense ne fait qu’ouvrir une longue série, Mick et moi partons pour un tour global du navire. Sur dix ponts accessibles aux passagers, cinq sont voués aux cabines et suites : un ratio très raisonnable qui laisse aux espaces publics une superficie importante. Ceux-ci sont très traditionnels : deux restaurants principaux, un théâtre, une bibliothèque, un cybercafé et un casino. Comme souvent, les ponts supérieurs sont voués aux sports et soins du corps. Nous retiendrons cependant le théâtre culinaire (pont 4) ainsi que l’impressionnant nombre de salons. Nous préciserons ce sujet plus tard. L’heure passant, est vite arrivé le temps de l’exercice de sécurité. Efficace, presque jovial mais très rigoureux, il nous a démontré en quelques minutes combien l’équipage de notre navire est soudé et compétent. En moins de cinq minutes, la plupart des passagers sont réunis aux postes d’abandon. Les derniers arrivants, qui bien souvent manquent surtout d’enthousiasme, sont gentiment rappelés à l’ordre. Il faut garder à l’esprit que cet exercice est l’occasion unique d’apprendre ou bien réviser les réflexes qui nous sauveront en cas de problème. Une heure d’attention pour onze jours de sécurité : le ratio demeure raisonnable. A la fin de l’exercice, nous appareillons déjà du Pirée : l’occasion de refaire quelques photos de nos voisins, en particulier du Louis aura, qui sera exploité en France en 2014. Une surprise nous attendait à la sortie du port : le Discovery est en cours de passation, amarré loin de ses congénères qui embarquent des passagers. Ce vieux paquebot que l’on voit régulièrement en France est le jumeau du célèbre Loveboat : il partage son exploitation entre deux compagnies britanniques, ce qui fait de celle-ci une péripétie un peu difficile à suivre. Malgré la température largement supérieure à celle de la France, l’hiver est bel et bien là : les jours sont courts, et la luminosité pour l’appareillage est déjà aux limites de l’appareil photos. Il ne va pas falloir trop espérer des départs suivants… Pour le dîner, nous choisirons les traditions de la croisière haut de gamme et donc le restaurant principal. Si la tenue requise est aujourd’hui décontractée, beaucoup dont moi-même se sont mis sur leur 31 pour célébrer notre départ. Mick et moi commençons dès ce soir les dîners en open-seating : chaque jour, nous prendrons notre repas à une table différente, avec des passagers arrivés à une heure similaire dont nous ferons la connaissance. Ce principe est né sur les transatlantiques et demeure très courant sur les grands paquebots : il permet de lier un grand nombre de connaissance parmi nos compagnons de voyage. Nous découvrons la gastronomie Holland America en compagnie d’un couple néerlandais et de quatre anglais : sans surprise, je suis le seul francophone. Le repas confirme très vite la réputation hors norme de notre compagnie : les mets sont fins, la présentation raffinée, la quantité idéale pour combler une faim normale sans générer l’habituel gaspillage. Libre aux passagers de demander un second plat ou de plus grandes portions : le repas est ici comme au Lido compris dans le prix de la croisière, à volonté. Ce premier dîner fut très agréable : nous recroiserons avec grand plaisir nos compagnons de table pendant les jours qui viennent. La soirée s’est poursuivie comme prévu au théâtre, qui à ma grande surprise est à peine mi-plein : cela dit, un important nombre de passagers ont embarqué il y a dix jours et enchainent les deux croisières, donc n’apportent pas d’attention à notre soirée de bienvenue. Ce soir, tous les artistes sont réunis sur scène pour une présentation générale : ils sont une dizaine de musiciens à nous accompagner pour ce voyage, en plus des gymnastes et acteurs de music-hall. Une très grande place est consacrée à la musique à bord : jazz, classique, variétés, il y en a pour tous les goûts et tous les moments de la journée. Chaque salon est baigné par une ambiance musicale particulière. Nous terminons d’ailleurs notre journée au Crown Nest, salon panoramique situé à l’avant du pont 9. Très rapidement, nous sympathisons avec David, le DJ : alors que je m’installe sur les confortables banquettes pour rédiger ces lignes en contemplant l’océan, Mick commence une discussion animée sur le rock anglais qui semble prête à durer dix jours. L’ambiance est assez morose ici : bon nombre de passagers partent se coucher dès la fin du spectacle, et nous serons bientôt les derniers du lieu… Cela nous permettra cependant de profiter pleinement de la vue sur l’océan. Le ciel est bien opaque ce soir, les étoiles seront pour un autre jour. Mais nous n’allons pas tarder à rejoindre notre cabine : demain, c’est Istanbul. Je tiens à être au meilleur de ma forme pour profiter au maximum des vingt-quatre heures que l’on passera sur place.
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La rubrique de MathieuDeux fois pas mois environ, retrouvez ici un reportage signé Mathieu Burnel, ex-auteur de Ships in Cherbourg. |