Tribune
LA MARINE MARCHANDE
OUTIL CONTESTE DE NOTRE VIE CONTESTABLE
© ShipMap.org
Mardi 10 décembre. En mer, Méditerranée centrale, MS Rotterdam Une sacrée découverte ce jour. Naples : un débat de société dans toute l’Europe à elle seule. Lorsque l’auteur Italo Calvino évoque « les villes qui se refusent aux premiers regards » [Les Villes Invisibles], sans doute pense-t-il aussi à la capitale de l’Italie du sud. Sale, assez sombre, bruyante, Naples ne s’offre pas à l’adoration du premier coup d’œil. Et pourtant, en se promenant en ville, l’on est vite attrapé par un charme difficile à expliquer. Peut être que, de ces rues au pavé presque noir d’usure, si étroites que même les innombrables Vespas ont du mal à s’y croiser, se dégage surtout l’atmosphère d’une ville populaire, qui ne se cache pas sous des parures de luxe et préfère la vitrine du bar populaire à celle du prêt-à-porter pour touriste fortuné. Après un petit-déjeuner rapide et matinal, Mick et moi sommes dehors dès 8.30. Aujourd’hui, c’est le Vésuve qui domine le port : les couleurs de l’aube sont absolument superbes, le ciel étant à nouveau libre de tout nuage. Nous débarquons dans le terminal historique de Naples : construit dans les années 30, il a vu partir plusieurs millions de passagers vers les Amériques. Son style très géométrique au teint clair en fait un monument art-déco majeur pour la ville. Précisons que Naples a toujours été et demeure un port majeur de l’Italie. Aujourd’hui encore, c’est notamment la base terrestre de la compagnie MSC, second groupe mondial dans le conteneur - devant CMA CGM. Les navires qui nous entourent sont nombreux et de tout type, même si une majorité va pour les car-ferries. Nous croiserons d’ailleurs un monument de l’Histoire du transmanche : le SNAV Lazio, affecté aux liaisons vers la Sicile par la compagnie publique italienne, n’est autre que l’ex-Pride of Portsmouth, qui naviguait de 1994 à 2005 entre Le Havre et l’Angleterre pour P&O. L’angle sous lequel il nous apparaît nous rappelle un grand nombre de photos réalisées dans nos eaux. La matinée sera consacrée à l’est de la ville : nous profitons de notre promenade pour acheter quelques souvenirs gustatifs. En bon normand, je reviendrai avec un kilogramme de parmesan ; et en bon étudiant avec la même dose de pâtes. Nous sommes de retour à bord pour le déjeuner, et croisons alors David, qui lui part goûter les légendaires pizzas (nous gardons ce plaisir pour demain de notre côté). En début d’après-midi, nous filâmes vers le nord-ouest et le Musée des Beaux-arts. Celui-ci est logé dans un somptueux palais du XIXe siècle, juché sur les hauteurs de la ville et embrassant toute la baie de ses jardins. Nous y montons en funiculaire, mais notre descente se fera à pied, au fil des minuscules rues et passages qui s’offrent à nous. Par le plus grand des hasards, ceux-ci nous ramènent à la porte du funiculaire ; l’idéal pour retrouver sans problème notre chemin vers le port. Nous traversons au passage de très impressionnantes galeries commerciales, d’un style typique XIXe. J’ai le souvenir de lieux similaires à Milan : ce sont des places de vie incontournables, riches en art et à la décoration éclatante. Elles nous ramènent en vue du front de mer ; nous sommes finalement de retour à bord aux alentours de 16.30. Ce soir, j’ai décidé de suivre la manœuvre d’appareillage en direct. Je m’installe peu avant 17 heures au pont 8, sur la terrasse du gymnase. Bien qu’assez handicapante car ne donnant que sur bâbord, elle permet d’observer tout se qui se passe dans l’aileron. Une fois n’est pas coutume ; nous appareillons avec un retard d’une grosse demi-heure : l’histoire nous apprendra que celui-ci, seul de la croisière, est amputable à une grève au port de Naples. Le départ se fait donc de nuit, offrant le beau spectacle du Vésuve entouré d’étoiles de plus en plus nombreuses. Le transit pour quitter Naples est rapide : nous avons rejoint notre cabine dès 18.15. L’heure est maintenant au bouclage des bagages et aux dernières photos des emménagements ; tout cela sent la fin… Aux alentours de 19 heurs, nous sommes de retour au restaurant, en compagnie de passagers avec qui l’on a lié connaissance à bord. L’ambiance est magique, aussi chaleureuse que complice ; le repas se prolonge au-delà de 21.30. Ce soir, au charme du Mix, nous avons préféré une dégustation ambitieuse des plats proposés. Notre table se transformera rapidement en une montagne d’assiettes chacune différente et toutes très alléchantes. Nous échangeons adresses et cartes de visite, au cas où le hasard voudrait que l’on se recroise ultérieurement… Je revois au passage quelques francophones avec qui j’ai pu discuter pendant la croisière. Notre dernier dîner à bord s’est terminé avec une forte émotion, avec la traditionnelle omelette norvégienne. Toute l’équipe du restaurant et des cuisines est réunie pour circuler entre les serviettes que font virevolter les passagers. Michael, notre directeur de croisière, conclura cette superbe cérémonie depuis le balcon du restaurant sous un tonnerre d’applaudissements.
Ici s’achève la partie narrative de notre voyage. Il est un peu plus de 22 heures ; je suis installé avec Mick à l’avant du pont 6. Comme tout marin en somme ; entre la passerelle et les étoiles. Avant de nous coucher, nous irons saluer David, pour des adieux qui s’annoncent émouvants. Demain, le réveil est fixé à 7 heures, pour débarquer peu après le petit-déjeuner. Nous resterons ensuite à Rome un peu plus de vingt-quatre heures, avant de nous envoler vers la maison ; Mick pour Southampton et moi pour Orly. Notre périple touche à sa fin ; il se conclura en beauté par la visite de cette ville extraordinaire. Et quoi donc de mieux que la Cité Éternelle pour rappeler qu’un voyage ne s’arrête jamais.
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La rubrique de MathieuDeux fois pas mois environ, retrouvez ici un reportage signé Mathieu Burnel, ex-auteur de Ships in Cherbourg. |