Tribune
LA MARINE MARCHANDE
OUTIL CONTESTE DE NOTRE VIE CONTESTABLE
© ShipMap.org
C'est un fait : dans la croisière, la France est en retard sur ses voisins. Alors qu'en Allemagne, par exemple, plusieurs compagnies indépendantes (Transocean, Phoenix, Peter Deilmann...) se partagent un marché en pleine croissance, nous sommes très peu représentés sur les océans. Depuis début 2007, notre symbole a disparu, avec les dernières traces de Norway sur la plage d'Alang. Reconstruire un France, troisième gros paquebot du nom ; recréer un symbole de la croisière à la Française, reprenant le concept des croisières Paquet : voici de fait le rêve de nombreux passionés. Et c'est dans ce projet que s'est lancé Didier Spade, directeur du Seine Alliance, cabinet de construction de navires passagers de luxe (voir le site). Le 12 juin 2012, le futur navire s'ouvrait au public, au Yacht Marina de Paris. L'occasion pour nous de faire un état de l'avancée du projet, et de découvrir un peu plus en détail cette vitrine du savoir-faire Français. Caractéristiques, cabines, espaces à bord, et même destinations proposées... Voici une première visite du navire, en attendant de le voir dans nos eaux en 2016. Bienvenue à bordFrance. Pour porter un tel nom, il faut le mériter, et sans doute suivre la trace des navires qui l'ont partagé. En plus de l'hôtellerie et de la gastronomie, c'est aussi la construction navale française qui va s'exposer dans le monde entier. Vous l'avez remarqué au premier coup d'oeil : la silhouette de ce navire est absolument inédite. De l'histoire des paquebots, depuis le début du XXe siècle et l'arrivée des grands liners, c'est la première fois que la figure traditionnelle est abandonnée. Au profit d'un design qui, certes, rend hésitant les amateurs de paquebots, mais qui a pour mérite son audace. Esquisse des futures cabines - crédits ©LeNouveauFrance L'idée primaire est assez simple : une base d'une dizaine de ponts, plate, parallélépipédique s'il n'y avait pas cet poupe en paliers et cette étrave fine, toutes deux directement inspirées du FRANCE passé. Cette base accueille pour l'essentiel les cabines, et bien entendu les locaux machines. Sur ce premier ensemble viennent reposer deux énormes structures, hautes de huit ponts chacunes et reprenant la forme des cheminées du France. Casino, restaurants, salons... On y trouve l'essentiel des aménagements. A bord, on dénombre environ 310 cabines, disposant toutes d'une vue sur la mer, et en très grande majorité d'un balcon privatif. Leur superficie va de 18 (pour une personne) à 100 m² (suite de l'Armateur). Les plus grandes sont situées dans les "cheminées", offrant une vue panoramique privilégiée. Du côté de la restauration, là aussi, c'est une révolution dans le monde de la croisière. Le paquebot ne sera pas doté du classique "restaurant principal", proposant plusieurs centaines de couverts, mais proposera neuf services, dotés chacun de 40 à 100 couverts. Les passagers pourront ainsi déguster la cuisine française au gré de leurs envies, sans distinction d'importance entre les restaurants. A bord : salon Wilmotte - crédits ©LeNouveauFrance Mais outre les plaisirs culinaires, le France proposera une multitude d'activités. Au-delà du casino, du fitness et de la discothèque, notons la présence d'un bar sous-marin - avec une vue panoramique sous le niveau de la mer - plusieurs pistes de bowling, la possibilité de prendre un bain de mer depuis la plage arrière, ou encore la tyrolienne (reliant les deux cheminées au niveau du pont 16). Malgré son raffinement exceptionnel, en opposition avec la croisière populaire moderne, les croisiéristes pourront s'amuser avec autant d'activités que sur n'importe quel géant des mers actuel. PerspectivesEn ce début d'année 2013, le Nouveau France émerge peu à peu des cartons. Les études sont significativement engagées, et un premier plan détaillé des ponts a été esquissé, en collaboration étroite avec les bureux d'études de STX France, à St Nazaire. Si le financement est bouclé en fin d'année, la construction pourra être lancée à la fin de cette année, pour une livraison en 2016. La gestion du navire en lui-même est encore aujourd'hui une question de second plan, bien que l'on évoque sérieusement une société commerciale nouvelle - il semble de fait difficile d'intégrer ce navire à une flotte standard. Le France sera enregistré au RIF, son état-major étant donc obligatoirement français (ou ressortissant francophone de l'UE). Maquette du futur France Du côté des dimensions, le futur paquebot sera d'une taille exceptionnelle en vue de sa capacité (600 passagers seulement). Avec 255 m de long et 30 de large, il offre un espace remarquable aux espaces publics, mais pourra franchir sans difficulté le Canal de Panama. Ses 6 m de tirant d'eau lui autorisent l'accès à la plupart des ports, et il sera apte à la navigation polaire. Mais même si les premières croisières sont encore loin, une esquisse des itinéraires se dessine déjà. Plutôt qu'un navire français pour publique francophone, le France se veut vitrine française pour un public mondial, éventuellement anglophone - et plutôt aisé, puisqu'il faudra compter autour d'un demi-millier d'euros par jour à bord. Le navire effectuera dès sa première saison un tour du monde, mais passera l'essentiel de son temps en Méditerranée - bien que le port du Havre soit pressenti comme port d'attache. C'est donc une formidable aventure humaine et maritime qui débute en ce moment. Avec peut-être, à la clé, un nouveau paquebot français, digne de l'un des espaces maritimes les plus grands au monde. Pour plus d'information, rendez-vous sur le site officiel du Nouveau France. Merci à Didier Spade pour toutes ces informations et illustrations. Interview de Didier Spade, à l'origine du projet de nouveau France (propos recueillis en mai 2010)La construction navale fait partie, comme on le voit sur votre site, de la "tradition familiale" ; cependant, le France sera votre premier navire de croisière maritime. Quel a été le déclic, pour que ce projet soit développé ?
Ce n’est pas tant la construction navale que l’agencement et la décoration qui est une tradition familiale ; mon grand père puis mon oncle et mon père ont été présents dès l’entre deux guerres à bord de nombreux paquebots parmi les plus prestigieux (Normandie, Ile de France, Liberté, France etc.). Je me suis quant à moi orienté vers la conception, la construction et l’exploitation de bateaux fluviaux, mais la mer m’a toujours fasciné et j’ai fait de nombreuses croisières maritimes. M’engager dans le projet de construire un nouveau paquebot France est pour moi un retour à mes amours maritimes mais aussi et surtout une manière de mettre à profit toute mon expérience professionnelle dans un beau et grand projet. Comment décririez-vous ce navire ? S'inscrit-il dans la ligne des géants qui sortent actuellement des chantiers navals, ou est-il au contraire, une sorte d'alternative au gigantisme ? C’est une alternative à la course au gigantisme que se sont livrées ces dernières années les grandes compagnies internationales ; néanmoins ce navire est à la fois grand (240m de long) et de faible capacité (500 passagers) ; celui lui confère une singularité sans pareil, au-delà de son design original. Aujourd'hui, les dernière traces du France ont disparu en Inde, la démolition du Norway étant achevée. Peut-on voir ce France en "successeur" du précédent ? Assurément. En cette période de crise économique, comment ce projet a-t-il été vu, notamment pour vos partenaires (STX Europe par exemple) ? Comme un défi, mais aussi comme une chance pour la construction navale française. Vous avez désormais un partenariat avec STX Europe. Le France sera-t-il, comme le précédent, construit à St Nazaire ? C’est bien évidemment ce que je souhaite ; les chantiers de Saint Nazaire construisent depuis des décennies les plus beaux navires du monde pour le compte d’armateurs étrangers ; ce serait un comble qu’ils ne réalisent pas le seul grand projet de paquebot français. On le voit aisément sur les images de synthèse : la silhouette du France est unique ; ce navire pourrait révolutionner l'architecture des bateaux de croisière. Avez-vous eu des échos de l'opinion du grand public ? Il est très bien accueilli ; la modernité peut aussi être élégante. Aujourd'hui, avez-vous une idée sur les futures destinations que proposera ce navire ? Peut-on espérer le voir en Normandie, et plus particulièrement au Havre, port historique de la Cie Générale Transatlantique ? Il est encore un peu tôt pour parler de destination car le France ne naviguera qu’en 2014 ou 2015 ; d’ici là, de nouvelles destinations « tendances » émergeront. Il y a quand même de grandes chances qu’on le retrouve au Havre.
1 Commentaire
moi
15/2/2013 01:12:10 pm
bienvenue!
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La rubrique de MathieuDeux fois pas mois environ, retrouvez ici un reportage signé Mathieu Burnel, ex-auteur de Ships in Cherbourg. |