Tribune
LA MARINE MARCHANDE
OUTIL CONTESTE DE NOTRE VIE CONTESTABLE
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C'est l'une des commandes les plus impressionnantes de l'Histoire de la croisière haut-de-gamme ; aussi l'une des plus réussies, et au devenir des plus complexes. Les huit paquebots qui en sont issus naviguent tous aujourd'hui, éparpillés dans cinq flottes différentes ; ils se croisent parfois le temps d'une escale, au hasard des plannings de navigation, se saluant pour l'occasion de leur puissante sirène. Malgré leurs carrières différentes, ils ont gardé l'essentiel de leur caractère original, et figurent toujours parmi les plus beaux navires de la planète. L'Island Sky - ex R8, à St Malo Je vous propose aujourd'hui un petit tour d'horizon de ces bijoux hors du commun. Tous sont passés ou passent régulièrement en France, à raison de quatre par an en moyenne. Vous aurez sans doute la chance de croiser leur silhouette fine bien que très géométrique quelque part dans l'Hexagone, et constaterez alors leur élégance unique. L'histoire des huit navires commence en 1997, à Saint-Nazaire. Renaissance Cruise fête le cinquième anniversaire de son R8, qui a conclu une série de huit paquebots de petite taille (90 mètres, 114 passagers) construits entre 1989 et 1992. Le succès est au rendez-vous, et la compagnie américaine prépare une nouvelle génération de navires, cette fois réalisés en France. Huit unités de 181 m sont prévues, transportant chacune 694 passagers. Leur silhouette fine est mise en valeur par une livrée noire et blanche, qui n'est pas sans rappeler les liners d'autrefois. Ils seront livrés entre 1998 et 2001, à raison d'un par semestre environ. Pour Renaissance Cruises, c'est un investissement colossal de près de 1,2 milliards de livres, qui représente une augmentation de 350% du nombre de lits, même si les huit navires alors en flotte sont en vente. Le défi semble surmontable pour la compagnie américaine, qui a le vent en poupe et dont les prix élevés n'effraient plus la clientèle riche anglo-saxonne. Les R1 et R2 sont livrés en 1998 et rencontrent un franc succès ; ils sont suivis des R3 et R4 l'année suivante, et des R5, R6 et R7 en 2000. Le R8 termine la série début 2001, Renaissance parvient globalement à remplir ses navires petit à petit. Le R One - crédits ©Chantry Classics Le monde occidental est secoué de son rêve euphorique le 11 septembre 2001. La menace terroriste crée un climat de méfiance qui tourne facilement à la paranoïa, en particulier en Outre-Atlantique : la lutte contre l'ennemi invisible est en marche ; l'Amérique se replie sur elle-même et jette à tous ses voisins un regard apeuré. Le secteur du tourisme international va sérieusement pâtir de cette tendance, et la croisière n'échappe pas à la règle. Aux USA, plusieurs armements se retrouvent fragilisés, en particuliers ceux concentrés sur le secteur du luxe et à la clientèle pour l'essentiel nationale. Renaissance Cruises ne résistera pas au cauchemar, en particulier compte tenu de sa politique de vente : la compagnie commercialise alors toutes ses croisières par internet, et n'est relayée par aucune agence de voyage. Cette fois, les huit paquebots flambant neuf n'arrivent plus à attirer la clientèle suffisante pour leur rentabilisation. Renaissance Cruises est officiellement placée en faillite dès le 25 septembre 2001. Les huit paquebots seront désarmés : six d'entre eux, navigant alors en Europe, rejoignent Gibraltar en attendant repreneur, avec deux de la série précédente qui n'ont pas encore été vendus. Les R3 et R4, qui naviguaient alors aux Antilles, sont désarmés à Papeete. C'est à ce moment que la flotte va être éclatée entre différents armateurs : en quelques semaines, Princess Cruises, principal concurrent de Renaissance, finalise l'achat des R3 et R4. En 2003 est créée la compagnie Oceania Cruises, qui reprend l'esprit du défunt armement et achète les R1 et R2. L'Espagnol Pullmantur acquiert la même année les R5 et R6, tandis que le R7 est affrété par Delphin Cruises et le R8 remplace le petit navire de Swan Hellenic sous le nom de Minerva II. Les huit paquebots rencontrent un franc succès au près de leur nouvelle clientèle. Par la suite surviendront quelques changements de flotte. Pullmantur cède le R5 à Oceania, et récupère le R7 de Delphin. L'armement espagnol est intégré en 2006 au groupe Royal Caribbean, qui va placer les deux unités coquettes sous gestion de Celebrity Cruises : Azamara s'apprête alors à naître. La même année, le Minerva est acheté par Princess Cruises - il a rejoint la flotte P&O en 2011. Cet automne, nous fêterons les quinze ans du Colombus 2, ex-R1, qui a inauguré en 1998 la série des huit jumeaux. Ceux-ci sont aujourd'hui une référence de raffinement pour les cinq flottes dans lesquelles ils sont intégrés. Pour Saint-Nazaire, ils constituent une vitrine du savoir-faire des chantiers dans le domaine du luxe.
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La rubrique de MathieuDeux fois pas mois environ, retrouvez ici un reportage signé Mathieu Burnel, ex-auteur de Ships in Cherbourg. |