Reportage : Hurtigruten, une compagnie historique pour une desserte exceptionnelle

>>> English Version <<<

"Express Côtier". Lorsque l'on découvre la traduction littérale du mot norvégien Hurtigruten, les premières images qui viennent à l'esprit renvoient plutôt à un chemin de fer... voire une autoroute. Pourtant, il s'agit bien d'une liaison maritime, cadencée et côtière, qui relie grandes villes et hameaux isolés de toute la côte Norvégienne depuis maintenant plus d'un siècle. Chaque soir, de Bergen, part un navire à la cheminée coiffée du célèbre H blanc sur fond rouge. La livrée aussi formelle que lumineuse des navires desservant les trente-quatre ports de l'Express Côtier rend ceux-ci repérables au premier coup d’œil : difficile de faire halte sur le littoral norvégien sans rencontrer un échantillon de ce patrimoine maritime national.

Sur la côte de Norvège crédits ©Luc AIRIAU

Les origines d'Hurtigruten remontent au début du XIXe siècle. En 1838 est mis en place un service mensuel reliant Trondheim à Hammerfest par navire à vapeur. La tâche est complexe : si elle séduit les foules grâce à ses innombrables fjords, la côte ouest du royaume de Norvège est également l'une des zones de navigations les plus dangereuses du monde. Il faut attendre 1891 pour que la Couronne ordonne un balisage complet des 2500 kilomètres de côte : deux ans plus tard, le Capitaine Richard With lance officiellement une liaison régulière, sur le même trajet que celui choisi en 1838. Au début du XXe siècle, le voyage est prolongé à Bergen au Sud et Kirkenes (près de la frontière russe) au Nord. L'Express Côtier prend alors des allures de chemin de fer maritime, respectant des horaires très stricts et réalisant trois à quatre escales par jour.

La Seconde Guerre Mondiale touchera durement la flotte de commerce européenne, et la Norvège n'est pas épargnée. En 1945, la plupart des navires d'Hurtigruten sont perdus, la reconstitution de la flotte fait partie des priorités nationales. Entre 1949 et 1952 seront ainsi livrées sept unités : la ligne reçoit alors près d'un demi-million de passagers par an, un record pour l'une des région les moins densément peuplées au monde. De cette première génération de navires restent aujourd'hui les Lofoten (1964) et Nordstjernen (1956), toujours en flotte, ainsi que le Ragnvald Jarl (1956), qui est désormais utilisé comme navire-école sous le nom de Sjokurs.

Voir notre reportage à bord du Sjokurs

---

>>> English Version <<<

Sur la côte de Norvège - crédits © Luc AIRIAU, pour PassengerShips.fr

Une seconde famille de navires arrivera dans les années 80. Trois car-ferrys sont livrés par les chantiers nationaux : il s'agit d'unités longues de 108 mètres accueillant chacune environ 315 passagers et 35 à 40 véhicules. La demande a évolué depuis les années 50 : les usagers apprécient de voyager avec leur voiture personnelle, et les marchandises elles-mêmes peuvent être transportées par roulage. Les emménagements sont revus, et deviennent plus grands et plus confortables : Hurtigruten commence à attirer le tourisme international. De cette époque, la flotte ne compte plus aujourd'hui que le Vesteralen : le Narvik navigue en tant qu'unité école sous le nom de Gann, tandis que le Lyngen (ex-Midnatsol) a été cédé à Lindblad Expeditions fin 2007 et rebaptisé National Geographic Explorer.

Voir notre reportage à bord du NG Explorer

Le Narvik, actuel Gann (1982)

La troisième génération de navires sera lancée en 1993 avec le Richard With : les nouvelles unités, plus grandes et plus modernes, constituent aujourd'hui la majeure partie de la flotte Hurtigruten. C'est cette série que sera conclue par la livraison du Fram, navire-amiral de la compagnie. Elle offre aux passagers des cabines plus spacieuses et des parties publiques supplémentaires tels que salle de sport ou sauna. Elle s'adapte encore un peu plus au tourisme, avec de véritables suites, plus grandes que les autres cabines et munies d'un coin salon. Il est intéressant de noter que le Fram a été conçu et commandé dans l'optique non plus d'internationaliser la clientèle de Hurtigruten, mais plutôt ses destinations, sans pour autant perdre de vue l'express côtier : le navire est dédié à différentes croisières d'explorations autour du monde, pendant que le reste de la flotte reste basé sur le service de l'express côtier. En cas de besoin, le garage du Fram, bien que rarement utilisé, peut permettre le remplacement au pied levé d'une autre unité (en raison d'un arrêt technique par exemple). Les trois navires les plus récents, les Trollfjord (2002), Midnatsol (2003) et Fram (2007) forment un cocktail très réussi de navire de servitude et de paquebot, possédant même des cabines avec balcon. Leurs ponts extérieurs se parent de divertissements: en plus d'observer la nature, il y est possible de jouer au palet, de barboter dans un jacuzzi ou même de profiter de la navigation autour d'un barbecue. 

---

Le Nordnorge (1997)

Malgré ce confort supplémentaire, la flotte desservant l'Express Côtier a su rester un groupe de navires d'expéditions, mondialement réputés pour la qualité des voyages que l'on fait à bord. La capacité de chaque unité est restée limitée à 650 passagers, celle du Fram, qui navigue notamment aux pôles et au Spitzberg, se restreignant à 350. Les emménagements sont eux-mêmes travaillés et décorés pour disparaître derrière l'environnement du navire.

Voir notre reportage sur le Fram

---

>>> English Version <<<

Lever de soleil sur la côte Norvégienne - crédits ©Luc AIRIAU pour PassengerShips.fr

Aujourd'hui, avec sa flotte de treize navires (douze destinés à l'Express Côtier), Hurtigruten figure parmi les plus grandes compagnies d'expédition maritime de la planète. Véritable ambassadrice de la Norvège, elle fait partie des excursions les plus appréciées pour découvrir le pays. Un voyage complet sur l'Express Côtier - à savoir l'aller retour de douze jours Bergen / Kirkenes / Bergen - est un panorama exhaustif des 2500 kilomètres sur lesquels s'étirent le littoral norvégien. Il peut se compléter d'une visite d'Oslo, après un transfert en train de Bergen vers la capitale, cette ligne ferroviaire étant considérée comme parmi les plus belles du monde. Un voyage confortable mais qui n'est au final pas à la portée de tous les touristes: la Norvège est réputée comme étant un pays cher (Oslo est la ville où la vie y est le plus coûteuse au monde), et Hurtigruten ne déroge pas à la règle. Ce constat est cependant à nuancer, puisque ce voyage aux allures de croisières est au final une expédition qui vous offrira des souvenirs et images inoubliables. Les autres acteurs de ce marché sont des compagnies encore plus luxueuses (Compagnie du Ponant, Seabourn, ...) qui proposent des tarifs dans l'ensemble deux fois supérieurs à ceux pratiqués par Hurtigruten.