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Lyubov Orlova : le Halloween prématuré des médias

25/1/2014

 
Photo
Le Lyubov Orlova à Tenerife en 2010 © JC Thillays pour PassengerShips.Fr
Naufrage, pollution, incendie, commémoration du drame du Titanic et suites de celui du Costa Concordia... Les dangers du monde de la mer occupent une grande place dans l'actualité générale ces temps-ci, sans doute aussi en raison du développement de la croisière et donc de la démocratisation des voyages maritimes. Ces derniers jours, vous avez sans doute entendu parler d'une menace effrayante pour le Royaume-Uni ; appuyée sur un scénario qui - à défaut d'être suffisamment crédible pour un studio hollywoodien - sera repris par tous les médias d'outre-Manche... Et bon nombre des nôtres. En bref, un navire à la dérive depuis un an s'apprête à s'échouer par surprise sur les côtes anglaises, libérant ainsi des hordes de rats affamés et sanguinaires.
Photo© JC Thillays pour PassengerShips.fr
Alors que la nouvelle gagne en importance, il devient de plus en plus difficile d'obtenir la source des différents articles (en dehors d'un évasif "selon les experts"). Le journal Le Monde remontera la chaîne d'information jusqu'au journal The Sun, l'un des grands médias à succès du Royaume-Uni réputé pour l'emphase de ses articles. Les experts cités sont en fait Pim de Rhodes, un chasseur belge de navires-fantômes qui s'intéresse de près aux pérégrinations du navire lâché en mer tel une bouteille contenant un message. Le Lyubov Orlova, construit en 1976 en actuelle Croatie pour le compte de l'URSS, a définitivement terminé sa carrière en 2010 : pour rembourser les dettes de son armateur en faillite, ce petit paquebot de 90 mètres est saisi et immobilisé au Canada. Voué à la démolition, il part enfin vers la République Dominicaine, par remorque, le 23 janvier 2013. Cependant, le convoi rencontre une violente tempête, et le remorqueur perd le navire sans vie à peine 24 heures après le début du voyage. Disparu des écrans, le Luybov Orlova sera repéré une semaine plus tard : après une ultime tentative de remorquage (également avortée), les garde-côtes américains décident d'abandonner le navire (inoccupé et trop loin des côtes pour représenter un danger) à son mauvais sort.

Voir notre article datant de février 2013

Photo
Carte des positions reçues et des recherches entreprises - crédits © http://www.sciencedirect.com/
Les dernières nouvelles de cette épave flottante remontent à février dernier : la balise de détresse du navire s'est déclenchée (ce qui se fait automatiquement si elle se trouve dans l'eau, cela signalant que le navire a soit coulé, soit une voie d'eau importante), témoignant d'une position à environ 2 400 kilomètres de l'Irlande. La balise émet durant trois jours, comme ses batteries lui permettent de le faire, et dévoile ainsi une route "vers le sud-ouest, [avec une dérive] beaucoup plus lente, ce qui annonce un naufrage imminent" (Libération, 24 janvier). De fait, on donnera bien peu de chances de survie à un navire prêt à être détruit, livré à lui-même en plein Atlantique : si le déclenchement de la balise en février dernier ne témoignait pas du naufrage, sans-doute le navire a-t-il fini quelques semaines plus tard au fond de l'océan. 
Photo(Image extraite de Brain Dead, P. Jackson)
C'est donc vraisemblablement le fantôme de cette épave qui fait le buzz ces jours-ci, agrémenté de la terrible image des "rats cannibales" évoqués par The Sun - à partir d'un commentaire anodin de Pim Rhodes - et repris dans tous les articles qui ont suivi. Nous remarquons au passage que tout le monde semble oublier la surveillance accrue et précise du littoral européen, qui aura du mal à laisser inaperçue l'approche d'un navire de 90 mètres avançant au grès des courants. De son côté, le blog anglophone consacré aux aventures de ce navire est resté extérieur à l'affolement médiatique, se contentant d'une photographie (certes impressionnante) d'un "rat cannibale. Après le paradis relaxant et intemporel, l'océan prend maintenant des allures de monde parallèle parcouru par des bateaux aussi extraordinaires qu'incontrôlables. Jack Sparrow n'aurait pas combattu pire.

Pour en savoir plus
Article du Monde faisant le point sur les informations qui circulent sur le net (24 janvier 2014)
Article de Libération (24 janvier 2014)
Aperçu de la Presse Française à ce sujet
Blog consacré aux aventures du Lyubov Orlova
Présentation du Lyubov Orlova par PassengerShips (février 2013)

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