La sentence est tombée mardi à Rome, prononcée par le Gouvernement Italien lui-même. A partir de novembre 2014, dans tout juste un an, les navires de plus de 96 000 tonnes ne pourront plus emprunter le Canal de la Guidecca pendant leur transit entre le terminal croisières et l'Adriatique : des quotas sont de plus annoncés à partir d'un tonnage de 40 000 tonnes. ![]() Cette mesure était attendue depuis longtemps par les associations écologiques travaillant pour la sauvegarde de la Cité des Doges. Alors que les deux passes qui relient la lagune à la Mer Adriatique s'apprêtent à enfin être équipées d'un système de protection contre les impressionnantes inondations que connait régulièrement la région, et au long terme contre la montée globale des océans, le passage de paquebots toujours plus gros à quelques encablures de la place Saint-Marc apparaît pour beaucoup comme une hérésie. Elle s'attaque pourtant à une vieille tradition de la croisière. En tant que ville maritime hautement touristique, Venise a toujours attiré les paquebots. Ceux-ci accostent à un endroit stratégique : en bordure de la ville ouest, à quelques pas de la Gare Sainte-Lucie et à l'extrémité du Canal de la Guidecca. Une situation encore parfaite en 1997, lorsque le terminal est rénové et agrandi pour accueillir des unités dépassant les 300 mètres. Arrivée et départ offrent aux passagers un superbe panorama sur la ville entière. La situation est idéale, de plus, pour les nombreuses têtes de ligne : les croisiéristes n'ont qu'à sortir de la gare pour trouver leur navire (et vice-versa). Même s'ils n'ont pas le temps de parcourir la ville, leur transit maritime leur offre une vue d'ensemble privilégiée dessus. En 2012, le port a ainsi reçu près de deux millions de passagers, s'imposant comme le premier port de croisières de l'Adriatique et parmi les principaux ports du Bassin Méditerranéen avec Barcelone et Civitavecchia. Souvent, trois, quatre, voire cinq paquebots font escale simultanément, puis appareillent l'un derrière l'autre. Mais la croisière a perdu son aura pour l'opinion publique. Le naufrage du Costa Concordia est encore très présent dans les esprits, en particulier chez les Italiens. Notons d'ailleurs que les mesures annoncées visent explicitement les grosses unités : une unité de 96 000 tonnes sera semblable au MSC Magnifica tandis qu'un tonnage de 40 000 tonnes correspond à un navire comme le Balmoral de Fred Olsen (voir ci-dessous). A l'échelle Européenne, plusieurs documentaires circulent sur les grands médias (dont la télévision Française) et dénoncent plus ou moins violemment le danger représenté par les paquebots sur la lagune. La menace, à la fois atmosphérique et maritime, est encadrée par des règlements nombreux et sévères, qui font des paquebots les navires les plus propres de la Marine Marchande. Malgré cela, elle empire de saison en saison, en raison du fort développement du trafic et de l'arrivée d'unités toujours plus grosses. Si Royal Caribbean, comme tout le monde s'y attend, opère pendant toute une saison un de ses Oasis, il est quasi-certain que le navire fera plus d'un toucher à Venise malgré ses 220 000 tonnes. Pour le moment, l'emplacement du terminal croisières n'est pas remis en question : les paquebots seront simplement obligés de suivre le chenal destiné aux cargos, qui s'éloigne de Venise et quitte la darse par le sud. Un transit plus long et évidemment beaucoup moins intéressant, mais peut-être le meilleur compromis entre exploitation touristique et sauvegarde écologique - qui pourrait d'ailleurs inspirer d'autres zones dont l'écosystème est fragile. Venise ne sera, de loin, pas la seule ville inaccessible aux gros paquebots : c'est cependant la première à s'y fermer d'elle-même après les avoir reçus en masse. Mais si Paris vaut bien une messe, alors Venise vaudra un chenalage.
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