Alors qu’il était l’objet de nombreuses rumeurs, le Costa Victoria va officiellement quitter la flotte de l’armateur italien pour les chantiers San Giorgio del Porto (établis à Gènes, qui ont notamment démoli le Costa Concordia). Long de 252 mètres, le Costa Victoria accueille 1 928 passagers et 766 membres d’équipage. Construit en 1996, c’est le plus ancien paquebot de la flotte Costa actuelle hors collection Neo (le Costa neoRomantica a été inauguré en 1993). Vendu à un chantier naval, l’avenir du Costa Victoria est désormais plutôt flou. Démolition, hôtel flottant, reconversion… les rumeurs vont ici aussi bon train. D’après l’hypothèse la plus en vogue, le paquebot serait désormais utilisé pour héberger équipages et techniciens extérieurs venant intervenir sur les navires accueillis par les chantiers génois. San Giorgio del Porto appartient de plus à la holding GIN (Genova Industry Navali), gestionnaire également des Chantiers Navals de Marseille - l’achat du Costa Victoria fut d’ailleurs longtemps attribuée à ces derniers. On pourrait penser dès lors que le navire pourrait même passer d’un chantier à l’autre en fonction des besoins. Les deux chantiers de GIN accueillent en effet un grand nombre de navires à passagers dont l’équipage peut atteindre plusieurs milliers de personnes. Si, dans de nombreux cas, une partie de l’effectif est débarquée pendant le passage aux chantiers, un grand nombre de navigants participe aux travaux. Outre l’équipe technique (département machine en charge des installations techniques et département pont responsable de la sécurité et des apparaux de navigation), une partie variable de l’équipe hôtelière est impliquée lorsqu’il s’agit de rénover voire de réaménager certains espaces. De plus, pour des arrêts courts, les armateurs choisissent souvent de garder à bord tous leurs employés plutôt que d’organiser un rapatriement qui sera à peine bouclé lorsqu’il faudra rembarquer tout le monde. Les travaux à bord impliquent cependant bien souvent des travaux dans les parties équipage, qu’il faut alors faire déménager… Ainsi il n’est pas absurde d’imaginer un chantier se doter d’un véritable hôtel flottant afin d’accueillir ses visiteurs. D’autres rumeurs associent à cette vente un avenir plus sombre pour le Costa Victoria. Les chantiers San Giorgio del Porto, comme on l’a rappelé plus haut, se sont fait remarquer pour plusieurs démontages d’importance : ils se définissent eux-mêmes comme spécialisés dans la réparation et la conversion. Pour ces travaux de long terme, il est beaucoup plus rare de voir l’équipage rester… Des voix évoquent ni plus ni moins qu’une démolition pure et simple. Démanteler ce paquebot à Gènes constituerait de fait un progrès majeur dans ce secteur : les chantiers San Giorgio del Porto utilisent pour ce travail un dock flottant qui permet la récupération de tout élément, solide comme liquide, émanant du navire. Un travail à l’opposé même des techniques habituelles incluant le beaching (échouage du navire sur une plage) puis son démontage, laissant souvent toutes les substances polluantes s’échapper au gré des marées. Cette démolition pourrait cependant marquer les habitués du navire aux formes uniques… et à l’histoire complexe. Le Costa Victoria fut commandé aux chantiers Vulkan de Brême fin 1993. Ce sera d’ailleurs le dernier navire commandé par l’armateur italien avant son absorption par le géant américain Carnival. La commande inclut alors un second navire baptisé Costa Olympia : cependant les chantiers font faillite en 1996, alors que le Costa Victoria est tout juste terminé. Le Costa Olympia ne sera jamais achevé : sa coque est rachetée par Norwegian Cruise Line en 1996 puis transférée aux chantiers Lloyd Werft de Bremerhaven. Ces derniers poursuivent les travaux pour construire un paquebot de style différent du Costa Victoria, terminé en 1999 : il s’agit de l’actuel Norwegian Sky de NCL. Après sa mise en service, le Costa Victoria marque donc aussi les esprits pour la fin de sa carrière. En effet sa vente à un chantier naval signifie, dans tous les cas, qu’il ne naviguera plus. À seulement vingt-quatre ans, il est le plus jeune paquebot de l’Histoire de la croisière moderne (hors accidents) à s’arrêter ainsi. En 2013 il avait subi une rénovation majeure, notamment de ses espaces publics : passagers comme équipage évoquent un navire en bon état, capable de parcourir les mers encore de nombreuses années. La disparition de son style unique chagrine déjà bon nombre de ses habitués. Le Costa Victoria est issu d’une période charnière pour le monde de la croisière : dans les années 1990, les navires commencent à grandir mais sans vraiment changer de forme. Première chose qui saute aux yeux d’extérieur : le paquebot possède un faible nombre de balcons, eux-mêmes ajoutés plus tard (arrêt technique de 2004) dans la partie centrale sur seulement quatre ponts. De manière générale, les navires de la même époque sont nombreux à quitter la flotte des compagnies modernes ; ils savent cependant séduire un public alternatif qui souvent fuit les unités géantes aux activités à bord innombrables. Citons ainsi l’ex-Splendour of the Seas (1995, maintenant Marella Discovery 2), l’ex-AidaBlu (1990, navigant en Inde comme Karnika) ou encore l’ex-Prinsendam (1988, désormais Amera pour Phoenix Reisen). On aurait pu, dès lors, s’attendre à ce que le Costa Victoria intègre une flotte plus modeste centrée sur un marché national telle Marella, Jalesh ou encore Celestyal. Le navire a vraisemblablement joué de malchance : la crise liée au COVID-19 a touché le monde de la croisière en plein cœur. Alors que les voyages des paquebots sont gelés pour encore plusieurs mois, les compagnies doivent absorber l’entrée en flotte d’un très grand nombre de nouveaux navires. Malgré la crise, ils seront plus de vingt à venir gonfler les rangs de la flotte mondiale en 2020 : pour les armateurs, cela inclut d’une part l’investissement représenté par la construction (qui avoisine désormais le milliard de dollars pour les grands paquebots) et d'autre part le remplissage du nouveau navire. La vente du Costa Victoria n’est pas une décision nouvelle : en septembre 2019, Costa avait annoncé la sortie de flotte de cinq de ses navires, les plus anciens en tête. Ainsi l’armateur italien possède désormais dix paquebots tous construits après 2003. Il reçoit cette année son nouveau géant le Costa Firenze (4 230 passagers), qui doit venir renforcer sa position sur le marché asiatique. Le navire doit être livré en octobre et représente un investissement de 780 millions de dollars. Le Costa Victoria est actuellement désarmé au port de Civitaveccia (Italie) : d’après les dernières informations, il dans les prochains jours mettre cap vers Piombino, un chantier dépendant de GIN, en vue de son ultime STOP moteur.
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