Il y a foule à Saint-Nazaire ce jeudi 31 octobre : à la porte 41 des chantiers navals se pressent plusieurs centaines de personnes. Navigants et cadres de l’armateur MSC, passagers et agents de voyages, professionnels du monde de la croisière, médias du monde entier, élus locaux… le lancement d’un paquebot constitue un événement à l’échelle internationale. Avec ses 43 mètres de hauteur, le MSC Grandiosa est visible depuis toute la ville. Le navire inaugure une nouvelle série pour l’armateur italo-suisse, faisant suite à celle conclue par le MSC Meraviglia en 2017. Le MSC Grandiosa est 17 mètres plus long que ses prédécesseurs : pour un tonnage de 181 000 GT, il peut accueillir 4800 passagers. Ses cinquante-deux mètres de large lui donne des allures de mastodonte au bassin C, où il est amarré depuis le succès de ses essais en mer le mois dernier. En milieu d’après-midi se réunit à sa proue toute l’assemblée présente : après un discours de Laurent Castaing, Directeur Général des Chantiers de l’Atlantique, puis de Gianluigi Aponte, fondateur et Président de MSC, il est baptisé en grande pompe par Alexia Aponte, petite-fille du précédent. Bien entendu aux côtés des visiteurs sont présents les employés des chantiers. La construction navale est depuis toujours le vivier économique de l’Estuaire de la Loire. Jusque dans les années 90, trois entreprises indépendantes lançaient des navires à passagers dans la région : les Chantiers Navals de Nantes, les Chantiers Dubigeon et les Chantiers de l‘Atlantique à Saint-Nazaire. Seuls survivants des crises successive et de la délocalisation vers l’Asie de la construction des cargos, ces derniers font vivre Saint-Nazaire avec plus de 3000 emplois directs et autant via leurs sous-traitants. Aujourd’hui, ils font partie des trois principaux concepteurs et constructeurs de navires de croisière de la planète, aux côtés de l’allemand MeyerWeft (implanté à Bremerhaven et Turku) et de l’Italien Fincantieri (dont l’activité croisière se répartit entre Venise, Gênes, Ancone et Monfalcone). Depuis le Sovereign de Royal Caribbean en 1988, les chantiers français célébraient ce 31 octobre la livraison de leur cinquantième paquebot moderne. Parmi ces cinquante navires, pas moins de quinze furent commandés par MSC, plus gros client des Chantiers de l’Atlantique aujourd’hui. En plus de ses flottes de porte-conteneurs, rouliers et car-ferries (via sa filiale SNAV), le groupe italo-suisse est désormais le troisième géant mondial de la croisière avec 17 paquebots. Au cours de la prochaine décennie il devrait prendre livraison de 11 unités supplémentaires, dont 6 construites à Saint-Nazaire. D’ailleurs MSC a non seulement pris possession de son nouveau navire ce 31 octobre, mais aussi lancé la construction du suivant : en fin de matinée, les Chantiers de l’Atlantique ont découpé la première tôle du premier des quatre paquebots de classe World. Avec leurs 330 mètres de long et 5400 passagers, ces navires seront livrés entre 2022 et 2026. Chacun d’entre eux représente un investissement de 1,2 milliards de dollars. La découpe se sa première tôle fut l’occasion de révéler le nom du futur navire : il sera baptisé MSC Europa. Mais le MSC Europa ne sera pas impressionnant que par sa taille : il marque aussi une nouvelle étape dans la croisière plus propre. Révision de la forme de la coque, système de traitement des eaux usées amélioré, système de branchement à terre… L’ambition est donnée par Gianluigi Aponte lui-même : « nul doute que lorsqu’il entrera en service, le MSC Europa sera le paquebot le plus propre du monde. » L’armateur rappelle les multiples améliorations vertes de la dernière décennie : « depuis la classe Fantasia (2008), la consommation de fioul par passager a été abaissée de 36 pourcents » D’ailleurs le MSC Europa sera le premier de la compagnie italo-suisse propulsé au gaz naturel. Une quasi-formalité pour les bâtisseurs de Saint-Nazaire, qui jusque dans les années 2000 ont construit plusieurs transporteurs de gaz géants (jusqu’à 153 000 mètres cube de capacité). Pour MSC comme pour les Chantiers de l’Atlantique, l’objectif est désormais d’aller plus loin. La construction de la classe World sera l’occasion de développer une technologie encore méconnue du monde de la marine marchande : celle de la pile à combustible. Si elle est très prometteuse, générant électricité et chaleur en ne dégageant que de l’eau, son fonctionnement repose d’origine sur une consommation de dihydrogène : dès lors, comment l’implanter dans un milieu aussi sensible qu’un navire, quand on sait que le H2 compte parmi les combustibles les plus facilement inflammables et explosibles que l’on connaisse ? Cependant la technologie développée à bord des navires MSC est alimentée par du gaz naturel, le même qui sera utilisé pour la propulsion du navire. L’installation à bord du MSC Europa demeurera un prototype à petite puissance (50 kilowatts), cependant armateur et chantiers navals affichent leur ambition : « après 50 kW, puis 500, puis 1000… l’objectif donné est d’atteindre 10MW » détaille Laurent Castaing, Directeur Général des Chantiers de l’Atlantique. L’économie d’énergie à bord navires ne date pas d’hier : gardons d’ailleurs en tête que bien avant la prise en considération de la pollution atmosphérique par l’opinion publique, les armateurs voyaient en la baisse de la consommation de fioul une source d’économie inégalable. Depuis une dizaine d’années, les Chantiers de l’Atlantique ont de leur côté développé un concept de paquebot géant à voiles, qui certes cherche toujours preneur. Quant aux réglementations toujours plus drastiques à ce sujet, elles conduisent à dessiner des navires aussi performants que le permettent les technologies de l’époque : ceci est encore plus vrai pour les navires de croisières, dont la durée de vie dépasse largement celle des navires de charge. « Nous gardons en conscience que notre ADN d’armateur, c’est l’océan » rappelle Gianluigi Aponte. « Nous approchons étape par étape de notre objectif, un navigation à zéro rejet. » Le MSC Grandiosa a quitté la forme C ce jeudi soir à 18h15 : malgré ses trois quarts d’heure de retard, une centaine de curieux attendaient de voir appareiller le majestueux navire. Il a mis cap vers Le Havre, où il accueillera tout ce week-end une présentation pour les professionnels du monde de la croisière (notamment du Nord de la France et de Belgique). L’occasion pour PassengerShips d’un reportage consacré au nouveau navire amiral de MSC. Les commentaires sont fermés.
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